02Avr

Le confinement pour lutter contre la propagation du Covid-19 a démarré le 17 mars 2020 à midi. Un peu (voire plus) d’anxiété, beaucoup (voire plus) d’incertitude, dans tous les cas des façons de vivre et de travailler bouleversées… pour une durée qui reste indéterminée.

Mon fils de 4 ans avait compris que nous luttions contre un certain « Colonel Virus ». Il n’a pas tort. Ce colonel-dictateur nous met face à notre fragilité humaine et nous impose à marche forcée les changements de paradigme que nous (entre)voyons à peine.

Qui que nous soyons et quoique nous fassions, nous avons été agités par le dérèglement de notre quotidien, qui nous fait vivre le vertige de l’imprévu, sans certitude et sans date de fin. Nous avons pourtant à notre disposition une ressource majeure pour éloigner la tentation de nos comportements irrationnels : notre intelligence émotionnelle.

Petits conseils opérationnels pour reprendre le contrôle sur nos vies.

Pour supporter cette tempête de changements, nous tentons bon gré – mal gré de nous ajuster pour reprendre un minimum de contrôle (gage de stabilité psychologique) :

  • Structurer la journée (horaires fixes, routines et rituels, exercice physique…)
  • Rester en relation avec des collègues, des clients, des amis grâce aux outils de communication à distance pour s’entraider, se rassurer, échanger
  • Se relayer auprès des enfants (quand les deux parents sont présents), pour se garantir des plages de travail ou de disponibilité individuelles
  • Résister à l’ennui et l’inaction, en travaillant à des sujets de fond (ou à essayer de se motiver pour), en lisant des romans pour s’évader ou se ménager des temps de pause et des exercices de respiration si on est en sur-régime
  • Rire – parce que cela nous aide en ces temps anxiogènes – de la créativité et de la poésie des internautes confinés en Italie, en Espagne, en France et ailleurs…

Les réseaux sociaux regorgent de conseils ‘opérationnels’ pour tenir bon : « réussir la mise en place du télétravail », « occuper les enfants en confinement », « préparer l’après…».

Ces bonnes pratiques ont l’avantage de nous reconnecter au réel, en même temps qu’elles mettent à distance l’angoisse que nous ressentons face au vide et à l’incertitude.

Le problème avec nos émotions, c’est qu’elles ne se régulent pas (vraiment) avec un plan d’actions.

La promiscuité induite par le confinement exacerbe les frustrations, signes de besoins non satisfaits et d’où émergent nos émotions ‘difficiles’… comme une vague qui s’élève et qui nous pousse à agir de manière pulsionnelle, donc en partie hors de contrôle. Or, c’est précisément notre intolérance à la perte de contrôle qui s’exprime dans l’anxiété, dont le niveau s’élève en temps de crise (même si nous ne sommes pas égaux dans la façon de la gérer).

Parce que l’anxiété (par définition) consiste à anticiper de façon négative de ce qui n’arrivera (probablement) pas, il devient urgent de remettre de la conscience dans nos façons de nous comporter, pour nous reconnecter au réel.

Cette reconnexion au réel passe par la mobilisation de notre intelligence émotionnelle qui devient plus que jamais source de résilience. A l’instar d’Antonio Damasio pour qui

« la capacité d’exprimer et de ressentir des émotions (est) indispensable à la mise en œuvre de comportements rationnels ».

Pour agir en conscience, donc de manière rationnelle, il faut donc écouter, comprendre et prendre en compte ses propres émotions.

Ouvrons notre « Journal de bord » des émotions

Se reconnecter au ‘réel’, c’est d’abord nous exercer à mettre des mots sur nos émotions, pour mieux les définir… Car mieux nous les comprenons, mieux nous les gérons; Mieux nous les gérons, mieux nous identifions les émotions des autres; Mieux nous comprenons l’autre, mieux nous entrons en relation.

Jour1 – Collectons les données brutes

  1. L’événement, la situation qui nous agit (quoi? quand? où? comment? avec qui?)
  2. Le ressenti, tel que nous le percevons de l’intérieur (avec quels mots) ?
  3. La réaction visible de l’extérieur (qu’avons-nous fait ?)
  4. L’émotion ‘source’ (peur, tristesse, colère, joie…(1). Quelle est celle que nous fréquentons souvent ? Est-il possible que cela nous plaise (dans le fond) ?

Jour2 – Partons à la découverte du « besoin caché » de notre émotion ‘préférée’

L’apparition du virus révèle notre émotion la plus archaïque : la peur, véritable signal d’alarme de notre survie qui hurle un besoin de sécurité. La peur se contrôle mal et ne se satisfait pas d’un « n’aie pas peur’. Nous y réagissons par la fuite ou l’agressivité, de l’égoïsme, du repli sur soi.

Au creux de la colère se loge le besoin de réparation : une injustice, quelque chose d’important qui n’est pas respecté, pas entendu ou pris en compte. La pression monte et nous nous préparons au combat pour réparer ce qui doit l’être.

Au cœur de la tristesse, le besoin de retrait et de réconfort, selon que l’on ait besoin de solitude ou de contact. Nous pouvons y plonger la tête la première en laissant s’étioler notre énergie vitale en devenant déprimés, apathiques, prenant le chemin d’une déprime voire d’une dépression.

Et la joie ? Le besoin de partager ! Voilà une émotion porteuse de l’énergie, même si elle peut aussi se heurter à l’énergie contrainte de l’autre face à soi. Est-il prêt à partager ? En a-t-il l’humeur ? L’envie ? Qu’est-il/elle en train de vivre ? Est-ce que ma joie peut entrer en résonance avec son besoin propre ou au contraire générer du rejet ?

Un besoin qui revient en boucle ? Il est temps de l’écouter…

Jour3 – Prenons la responsabilité de notre besoin.

Clarifier d’abord ce qui se joue dans son propre besoin émotionnel, pour ne pas faire porter à la relation nos difficultés qui émergent de ce besoin non entendu. Dans chaque situation « confrontante », nous pouvons nous demander :

Est-ce bien de ma responsabilité ? Ai-je les moyens de changer quelque chose (sinon, comment les trouver)? Ai-je envie de résoudre le/mon problème ?
pour être mesure d’exprimer à l’autre une demande ‘ajustée’ et à la hauteur de ce qui appartient à chacun.

Jour4 – Essayons de rencontrer l’autre différemment.

Cet autre, avec je vis maintenant 24h/24. Sans verser dans les bonnes résolutions que nous ne tiendrons pas, simplement tester une nouvelle approche. Notre sens de l’observation, notre écoute et notre empathie humaine peuvent nous servir de « boussole de contact » : en miroir de notre propre exploration, quel est le journal de bord de l’autre ? Que nous apprennent ses comportements sur ses propres besoins ?

Selon nos motivations et appétences personnelles, nous pouvons avoir recours à des techniques de communication comme la Communication Non Violente (CNV) pour mieux réguler nos relations. Les ‘modèles’ de personnalité (MBTI, Process Com, DISC) nous donnent des indications utiles sur nos préférences relationnelles. Enfin, des approches corporelles comme la méditation de pleine conscience, la sophrologie, le yoga (récemment entrées dans l’entreprise pour améliorer la Qualité de Vie au Travail – QVT) peuvent être soutenantes.

Ecouter en soi, dire là où nous en sommes, savoir observer l’autre, pour sortir de la dictature émotionnelle de #ColonelVirus. A nous de reprendre le pouvoir en saisissant l’opportunité d’apaiser nos relations. Et tout ira mieux. Même confinés.


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À DECOUVRIR :

  • ‘Dr Mood’, l’appli qui vous fait du bien, pour apprendre de vos émotions 😊
  • Spinoza avait raison : joie et tristesse, le cerveau des émotions, Antonio Damasio, Odile Jacob, 2005.
  • L’Intelligence Emotionnelle, Daniel Goleman, Poche, 1995, ré-édité en 2014. Daniel Goleman est aussi à écouter en conférence ici
  • 65 outils pour accompagner le changement individuel & collectif – Arnaud Tonnelé, Eyrolles, 2018